Nue
dans la salle de bain au 12ème étage du T3, elle repasse un nuage
de blush rose sur la ligne des pommettes et détache ses cheveux
d'étudiante. Bonne combi avec le gloss à lèvres prune. Les
ongles noirs pour la main gauche, rien sur les autres, elle choisit
la veste léopard en polyester-viscose-élasthanne (5 euros au
marché du Soleil) et le legging laqué. Elle a aussi le sac Guess
100% pétasse et les sandales Castaner dorées (moitié prix à la
boutique La Guardia) mais elle se la joue souvent versaillaise en
mode commando : des Jourdan vernis noirs à talon rouge qui ont une tendance à rayer les carrosseries, surtout de flics.
Elle
sort toujours la peur au ventre, rien sous la veste, une lacrymo dans
le sac, mais c'est à cause de ça qu'elle sort. Elle va passer le
premier cordon d'insécurité, les lascars de la dalle d'en bas qui
ont renoncé à lui mettre son petit frère sur le dos mais pas à la
baiser (y'aurait pas moyen de moyenner ?), puis le second
entre Cap Janet et Mourépiane, en fait un danger nomade qui se
déplace avec elle. Patrouilles de la BAC, fourgons de police rasant
le trottoir au cas où elle n'aurait pas ses
papiers (l'invite plongeant sur le décolleté : tu
montes ? on te ramène ?)
À
cinq ou six heures, quand les parents sont encore à la maison, elle
branche sur la toile ou par sms. Après, quand ils s'en vont tous
ensemble à la Ciotat chez Malika, elle a le champ libre. Elle en a
marre de la Ciotat. Les parents ont bien compris qu'elle était
douée, elle peut réussir Sciences Po sans remise à niveau,
inch'allah, pas besoin de leur prépa spécial pauvres : ils la laissent travailler seule tout le week-end. Elle a
l'ordi et la connexion pour elle, ch'allah la politique, elle
fréquente les anciens communistes de l'Estaque et même les autres, du PS, ceux qui sont venus la chercher l'an dernier pour leur liste.
Ce
soir elle a un rendez-vous chemin du littoral. Un truc sans danger,
qu'elle connaît, elle s'est fait tatouer un scorpion sur l'omoplate
gauche pour apprendre à vivre avec ce qui lui fait peur. Elle va se
faire 50 euros à Mourépiane, doubler la mise peut-être à
l'Estaque. Après, elle a le fric en main pour s'offrir le centre et
même payer des coups, rentrer à l'aube avec le bus où dormir dans
une chambre pleine d'odeurs douces et inconnues qui ne font pas peur.
Elle
porte ses peintures de guerre pour ça. Quand elle n'a pas une thune
elle s'offre un maquillage gratuit à Séphora, dédaigneuse et
nonchalante ce qu'il faut pour ne pas se faire choper par le
vigile. C'est fondamental la peinture de guerre, la peinture de
guerre sociale qui s'apprend à l'école et dans les pubs Guerlain.
Elle a le code et le cerveau qu'il faut pour être admise comme beure
rentable, une beurette laïque, sexy, intelligente et malléable. Qui
donne envie de s'impliquer, de raquer, de sourire.
Elle
pousse la porte du Gabian. Nano est là, déjà inquiet. Elle
repère deux “amis” qui se sont fait bien propres autour du
billard. Ça va aller très vite. Il suffit de leur dire qu'ils
ont une belle bite, ils jouissent en deux minutes. Elle écrase une
clope. Je ne dois rien à ces connards du PS. Leïla El
Haram ne porte pas le hidjab, elle est de ces familles
douces et craintives qui offrent des gâteaux aux profs après l'aïd
Al-Fitr pour montrer qu'ils ne sont pas des terroristes. Mais
elle porte quand même un bonnet en hiver, un turban en été, pour
des raisons de résistance intime qui la regardent.
C'est
un bon soir ce soir, il n'est même pas dix heures et elle a de quoi
s'offrir un taxi. Il y a soirée Baby Doll au Warm Up. Elle va
refaire ses peintures au Caruso, rigoler un coup avec les
mouettes, passer la frontière du Tout est Permis avec un petit
tampon de guerre au poignet. La commotion sur le dance floor, c'est
QUI rentrera avec Leïla ce soir. Une femme âgée bien
souvent -elle en pince pour les psychiatres et les journalistes ;
c'est la cagole déceptive par excellence, pseudopétasse et
gérontophile rouge-gloss préfigurant un nouvelle ère amazonienne :
superculottée et surmaquillée dehors, dure comme le fer à
l'intérieur.
Je
l'avais “pêchée” un jour sur GD, aimantée par le clignotement
de son étrange pseudo métis. Elle venait de suivre trois semaines
d'empoignades pseudo-féministes au sujet de l'émancipation par la
force des indigènes de la République, ces victimes de nos propres
terreurs censées demander à grands cris la “protection des lois”
contre leurs frères, leurs pères et leurs grands-mères. Elles
sont folles, cousine.
C'est
la plus belle gouine de Marseille.
Elle
vient de réussir Sciences Po Paris.
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