vendredi 8 avril 2011

Prose du bûcher, de la vitesse et de l'arrêt cardiaque


Février, encore le froid. Nous n'avons pas fini d'hiberner, nous sommes encore toute recluses et fripées. Parfois nous sortons nos tenues de soirée, nous repassons les nuits qu'elles ont traversées, un numéro de téléphone, un briquet emprunté à un visage dont le nom s'est évaporé. Je m'aperçois que la vie sensorielle génère une mémoire inverse à celle du forum (victoire de mots) : tout ce qui reste est emmêlé à des cheveux qu'on a touchés, des variétés de sueurs, de parfums.
La lumière du matin.
La persistance du Four Roses.

Dans le lit crème des vacances, à Lyon : ThéronZ me fait savoir que je suis invitée par EvaB. Elle a 50 ans, moi 3 heures pour faire Lyon-Marseille. Je retire un livre intouché des rayons de ma mère, je l'enveloppe à Montélimar ; à 20 heures pile je passe devant Mornas-village, là où chaque fois mon cœur se dépoussière.

Je les trouve dans un grand appartement aux plafonds troubles, déjà bien allumés. Wiklau m'enlace en disant “c'est dégueulasse, on n'a pas mangé”, ThéronZ est en peluche vert-rouge, EvaB pâmée sur son sofa blanc, des inconnus. Je reconnais le beau mari M. dans la cuisine, je suis entourée par les enfants d'Eva, le chien d'Eva, les livres d'Eva, je m'assieds sur le sol, à ses pieds.

Ils sont comme des toupies fatiguées par la prime alcoolémie, tout juste en train de se remettre avant la deuxième ; je glisse Tengo miedo torero sous le chien Tolstoï qui tient un canapé à lui tout seul, je m'enfonce dans le Jack Daniel's. La soirée descend par degrés dans le bruit, la moiteur, on remet Fontaine “ah que la vie est belle“, EvaB est nue sous une maille noire semi-transparente. Les Kurdes effrayés s'en vont, les turbulences se déplacent de plus en plus vite de la salle à manger vers le salon, Wiklau s'est endormi, des silhouettes chaloupent.

Je veux me lever, je me raccroche à la bibliothèque, ThéronZ me rejoint et me tend les lèvres :

EvaB veut te niquer”.

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