mercredi 26 octobre 2011

Faire un porno sans Rocco - Pornotopie again


1. Prenez une cloison légère type hlm, percez-y à hauteur de ceinture un trou de 7 cm de diamètre environ : ceci s'appelle un glory hole. Penchez-vous sur le trou avec un air de mystère. Qu'en sortira-t-il ? Qu'adviendra-t-il de nous ? Pleuvra-t-il demain ? Où en es-tu de ta méditation historique ?

2. Choisissez un godemiché si possible souple, de la taille et de la coloration de votre choix (une teinte sombre a plus de chance de tromper le regard). Vous y aurez préalablement creusé, au moyen d'une aiguille à tricoter légèrement chauffée, un canal longitudinal allant de la base au prépuce dans lequel vous aurez inséré un tube flexible relié à une poire à lavement remplie d'on ne sait quoi (de l'encre, du sang, de l'eau de vie, un banal shampoing recolorisé peut déceler une certaine dose d'entrain parodique).

3. Installez la caméra à distance respectable (pour vous donner un minimum d'espace de jeu), vérifiez le cadrage et lancez l'enregistrement.
Vous pourrez embaucher une complice pour tenir le godemiché de l'autre côté de la cloison, le faire saillir tout doucement, se cabrer ou frétiller d'aise selon les besoins de l'action. Si vous n'avez pas de complice fixez-le à la cloison et ça fera aussi bien l'affaire.

4. Vous allez vous livrer avec la pièce à un savant jeu de caresses, de chiquenaudes, de déclamations politiques et/ou de succions destinées à donner l'illusion du vivant. Selon vos ambitions, vous pouvez décider ou non de vous livrer à un flirt plus poussé avec l'objet, l'accueillir entre vos cuisses, le rejeter, l'engager plus avant si vous le sentez, face au mur, dos au mur, entre vos seins, sous les aisselles, selon votre bon plaisir. C'est à vous de décider de la douceur ou de la violence de l'assaut : surtout ne jamais consulter que votre désir.
Vous pouvez également, au fur et à mesure de votre fièvre chorégraphique, libérer quelques gouttes de l'exsudat contenu par la poire (une pression suffit), vous en barbouiller le visage ou les cuisses ou bien le recueillir dans un verre à pied ou à whisky.

5. Si un noir liquide vous explose à la gueule, vous avez toutes les chances d'obtenir un effet de comique dysjonctif. Rose si c'est un opus queer zone, vert si vous avez une commande de l'office du développement durable, et si c'est rouge, n'hésitez surtout pas à afficher vos convictions révolutionnaires : “L'artiste c'est l'explorateur, celui qui va dans la zone rouge et en ramène des infos.” Ou pourquoi pas “Non aux violences conjugales” s'affichant en bas de l'écran. Plus commun ? Tout est possible.

J'ai vu ce film banal et bon marché. Il ressemblait à toutes les scènes glory hole de la création sauf qu'il distillait, au fur et à mesure de son déroulement, un doute. Un objet inanimé risque toujours de dénoncer au regard attentif sa véritable nature. Tout est affaire de conviction. Nous sommes tout à fait prompts à croire que de l'autre côté d'une queue et d'une cloison il y a -forcément et nécessairement- un homme. D'ailleurs il y a toujours et la plupart du temps : un homme (à supposer que l'on sache bien au juste ce qu'est un “homme”). Sauf que l'absence d'homme voire de corps produit au fond la même scène -avec un minimum de talent : il y a toujours ce que l'on veut qu'il y ait. Qu'est-ce qu'un homme (sans majuscule) : ce qu'il y a au bout d'une queue ? (soit au choix : rien, 8 siècles de propagande hétérocultuelle, une femm, un ôm, une poire à lavement).

Il y a de l'homme sans homme, de la queue sans homme, de l'éjaculat sans homme, du coït entre la feuille et le caillou, du corporel sans corps. Il y a autant de croyance chez Dreyer que dans PorniX diffusion Paris 10ème, la religion sexuelle se fiche des corps. Faites-en ce que vous voulez, rhaaaaa.

Revenez-y le 77ème jour, le ventre gonflé comme un wagon. Accouchez de l'histoire, d'une scie, d'une harpe, d'un hyène tachetée comme les chèvres de Laban. Penchez vous sur le glory hole de votre fécondité auteuriste, mettez-y de la micropolitique, du Bach, de l'Ubu reine, du drama queen et recevez de nouveau un seau de peinture dans la tronche : le x n'a aucune espèce de limite conceptuelle. Un peu comme Pinocchio* ou l'Odyssée* : c'est le récit sur lequel on peut tout écrire.


* Je songe à l'excellent et ignoblissime Pinocchio de Winshluss, prix Angoulême 2009

 * Je songe à moi (!)
  http://negroticon.blogspot.com/2011_05_01_archive.html 

   PS : Toute production visuelle est évidemment la   bienvenue...

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