mercredi 2 mars 2011

Hiroschérie mon amour


Cadaquès : je descends à l’hôtel Residencia, escale fidèle reconnaissable à ses odeurs de cigarette et à son décor de musée des horreurs daliennes. ELLE est de l’autre côté de la baie, dans un hôtel de luxe. Tranquila.

Et bien sûr elle n’est pas comme je le pensais. Les lesbiennes ne peuvent pas s’empêcher de rêver des femmes et elles trouvent toujours des lesbiennes. Les lesbiennes sont des connes préconditionnées à rêver le genre de femme qu'elles n'auraient jamais voulu être et à coucher avec des lesbiennes. Il ne s'agit ni de féminité ni de masculinité, mais de vie mal posée, malaisée, mal affirmée, trop occupée à louvoyer entre deux territoires pour se poser dans sa dignité.

Nous voici face à face, dans cette épreuve de charme inévitable, forcées de nous plaire, forcées de nous aimer. Elle a le regard fuyant, inquiet ; je lui fais remarquer cette manière d'éviter les yeux en plongeant dans les seins ; elle baisse la tête, et rit, son regard remonte avec une lueur d’excès. On se chauffe, on part vers la pointe déserte, on s’allonge sur un banc de pierre face à la mer, on finit dans les aiguilles de pin avec les mains cherchant sous les vêtements, juste ouverts ce qu’il faut pour se réajuster en hâte. C’est comme un plan Q qui démarre bien, trop vite.

On descend vers le sud : très vite de minuscules détails explosent. Coup de frein sur une bande d'arrêt d'urgence : tous les deux jours un heurt, pour des raisons encore cachées sous le vernis libertaire, dès que je m'éloigne, que je ne suis plus maîtrisée et maîtrisable, enfermée dans son auto son lit ou sa maison. Je sens un point bancal, une impossibilité à se parler. On baise dans les grandes infrastructures vides de la spéculation immobilière, seules devant les paysages de carte postale avec leurs grands palmiers plantés pour personne, seules à rouvrir les restos en faillite, on baise très bien, de mieux en mieux. C'est ce qu'on a fait de mieux au monde, et rien d'autre. À Nerja on finirait presque par se sentir bien. J’ai laissé ma voiture à Cartagena, je me remets entre ses mains. Le jour du départ pour Malaga elle explose à nouveau, pour rien, une phrase mal comprise. Je reprends ma voiture et fais demi-tour. 
 
Nous avons traversé l'Espagne orientale en temps record sur des lits d'hôtel tous parfumés au savon Henne de Pravia, activé et désactivé des cartes magnétiques imposées à chaque réception, ratissé toutes les inepties de l'Infrastructure Inutile, Assassine -deux solitudes roulant comme des perdues dans un pays en crise hanté par le cul de Carla Bruni et la ligne de hanche de la princesse Ortiz, à toutes les unes.

De retour en France, respiration profonde. M'arrêter, inspirer, réfléchir. Je pense : fin de l'ère gigolote. Je lève la tête, j'écoute : un rien de halètement en ligne de fond, le silence, et puis quelque chose encore. Le bruit des stukas. 
 
Bum75 m'a fait savoir qu'elle est de retour à Marseille. Je me cache, je laisse passer les jours, je ne peux plus l'éviter. La voici à la terrasse du soleil calme, souriante. Miraculeusement elle ne demande ni ne suggère rien sur la poursuite de nos relations. Je lui fais le semi-aveu de ma rencontre avec PassP et j'ajoute que ce sera sans doute une bonne amie (green smiley). Elle remonte dans son train. Respiration profonde.

Chemin faisant, PassP publie sur son site professionnel ("repérages") un cliché plein cadre de la vue de ma chambre sur le Vieux-Port. Petit drapeau sur le champ de la conquête parfaitement lisible pour Bum75, qui fréquente assidûment le site comme me l'a déjà indiqué Pass.

Jour de printemps. J'inspire la quantité marine infime qui flotte au-dessus du Vieux-Port, je m'assieds sur un banc, j'ouvre une enveloppe grand format trouvée dans ma boîte. Une enveloppe à l'adresse de Pass. Dans l'enveloppe il y a une autre enveloppe. Sans inscription. J'ouvre la seconde enveloppe qui décèle un grain caillouteux. Une étrange odeur, d'étranges volumes tendres et organiques. Je jette un œil et j'éclate au milieu des passants d'un rire cyclonique, irrésistible, un des meilleurs qui m'ait secoué l'abdomen depuis longtemps.

Je suis plantée sur le Vieux-Port avec une enveloppe remplie de litière de chat, bien sûr usagée. PassP n'a pas de chat comme je le sais, mais Bum oui. Un gros chat monstrueux au fond d'une tanière de femme-enfant ulcérée. Je ne suis pas atterrée, pas terrifiée, pas humiliée : ébahie d'une presque forme d'admiration. Les Furies existent. Je viens de les rencontrer.

Sur GD.

Et cette histoire qui semblait s'achever ne fait que commencer.

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