lundi 28 février 2011

Stukas


Quand je pense bombardement en piqué je pense "stukas". Je les ai vus à l'écran, je les ai entendu nommer dans ma famille avec une terreur sacrée. Le forum aussi je l'ai vu comme ça, avec des gens qui mènent leur vie à découvert sur le sol jonché de posts et de grands oiseaux tournoyant au-dessus. Pas pour tuer bien sûr, mais pour tomber au bon moment sur la proie repérée depuis plusieurs jours, lâcher la bombe amoureuse, la bombe intellectuelle, la bombe auto-promotionnelle ou punitive.

Car tout autour du forum, au-dessus, à côté, en dessous, il y a des yeux qui lisent, des paroles échangées, des intentions qui mûrissent doucement dans les nuages avant de venir crever le ciel des posteuses.
Quelqu'un tombe du ciel. On ne sait jamais clairement pourquoi, avec quelles intentions secrètes ou sous-jacentes, ce sont parfois des cadeaux de la vie, de précieuses connivences qu'on avait ignorées jusque là, et parfois des stukas.

Qu'est-ce qu'un stuka ? C'est une chasseresse qui s'emmerde en dial. Sans avoir la motivation voulue pour aller se frotter à la parole des autres en bas, elle lit, observe et repère ses proies potentielles. Et lorsque un pseudo finit par retenir son attention, elle descend en piqué. La convers' elle s'en fout, elle aurait plutôt le plus grand mépris pour ces basses empoignades. Ce qui compte c'est de tomber au bon endroit, frapper fort et remporter la mise.

Après quelques semaines de débauche verbale sur le forum, je reçois deux stukas. Une troisième croise déjà dans le secteur mais je l'ignore, ne l'ayant pas encore reconnue. Les deux premiers stukas se connaissent et s'entre-observent par forum interposé. Elles ont un gros passif entre elles, fait de dépit amoureux, d'impossible amitié ou résilience, ce qui a pour étonnante (et banale) conséquence de les faire désirer au même endroit, la même personne, quasiment au même moment.
Autrement dit moi.

C'est le stuka PassP qui passe le premier à l'attaque, publiquement, et qui va se faire griller pour cette raison même (car le stuka Bum75 est en embuscade, prêt à tomber.)
Le 1er avril 2009 (cool smiley), PassP poste : “Tu me plais, quel événement”. C'est Hiroshima mon amour rentré dans nos vies, le sublime à feu et à sang, accrochez-vous. Je n'ai absolument pas compris que la bombe déclarative me concernait, (d'autres stukas l'auront même prise pour elles), je fais bêtement écho au traquenard lyrico-durassien et je ne suis pas la seule : il y a foule ce soir-là pour s'entre-susurrer toute sorte de durasseries ardentes sur le topic. Pour PassP c'est acquis, j'ai mordu : elle vient aussitôt m'entreprendre en dial. Mais voilà, PassP n'est pas la seule à avoir “compris”. Bum75, qui a tout lu tout vu, descend à son tour du ciel illisible de Gaidrome et se pose comme une fleur sur ma piste de dial. Universitaire. Se la joue classe et expéditive, ma première littéraire sur ce site, espèce suffisamment rare pour être bien accueillie. Elle m’indique sur Youtube une vidéo qui me fait craquer : se livre à une savoureuse dissection des propos du président Sarkozy sur la Princesse de Clèves. Le lendemain la voici descendue de Paris à Marseille, assise à la terrasse du Samaritain sur le port, fumant comme une non-fumeuse. Femme opulente, presque obèse, beau sourire. J'ai passé un hiver difficile à chauffer des femmes hétéros, on ne se refuse rien au printemps. Dans la nuit, Bum75 me fait les seins (très bien). Buvons du vin, baisons. 
 
Je ne dirai jamais assez tout le bien que je pense des corps “gros”. Un corps gros qui s'exhibe fait voler en éclat tout ce qui reste de mesure dans l'esprit, de pudeur, de honte ou de pose. Il suffit de s'habituer aux nouvelles dimensions et de changer de geste pour sentir qu'on emmerde le monde entier.
Sur le canapé j’entrouvre son chemisier, dégage ses seins, y écrase mon sexe. On est en pleine flore charnelle, je ne sais plus comment l'envelopper, la tenir, me contenir.

Je mettrai deux ou trois jours à savoir qu'elle connaît PassP, à recueillir sa plainte amère à ce sujet, à comprendre quelle sorte de course elles se sont livrée sur mon compte. Et  je mets aussitôt cette donnée de côté, avec la plus grande insouciance.
Bum75 remonte à Paris, PassP insiste pour passer à la phase téléphone. Mon corps assouvi par Bum75 renâcle. Je cède sur le téléphone. Un week end entier dans le combiné, de plus en plus chaud. PassP vient me chercher très loin, très fort. Ses phrases d’appel, ses mots de folle, je me demande comment elle peut se donner si fort à quelqu’un qu’elle n’a jamais vu. Pourquoi moi. Je sais aussi qu’elle sait, plus ou moins clairement. Qu’il y a course avec Bum. Que l'une est arrivée la première et que l'autre n'a pas renoncé. 

J'ai mordu. 

Peu importe. On est au printemps et c'est tout. Je mène ma vie de folle et c'est tout. Je me lève, je m’habille, le téléphone sonne, c’est PassP : je me retrouve des heures scotchée sur le canapé, pantalon dégrafé. Je regarde mes cuisses entrouvertes, une main posée sur le combiné, l'autre filant parfois là où. Pendant des heures et des jours, nous flambons, nous brûlons de l'imaginaire sexuel, un peu comme ces carburants bon marché qui ont un air de miracle au début et dont la production finit par engendrer plus de malheurs que de bienfaits.
 

1 commentaire:

  1. C'est un peu comme une valse alternée où chaque changement de partenaire sonne comme un tremblement de terre.
    Les novices observent en retrait debout sur la jetée la mer tour à tour déferler, se calmer, plat, s'agiter à nouveau, et engloutir la dernière proie en date victime de la dernière guerre en date.
    Puis la valse reprend, comme des chaises musicales.
    Avec l'une d'entre elles en moins...

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